Vincenzo MARIOTTI attr.
Feux d'artifices pour la guérison de Louis XIV
1687
Eau-forte
590 x 430 mm
Bibliographie
:
Bibliographie : C. D’Onofrio, Le scalinate de Roma, Rome, 1973, p. 217 et 288-291.
M. Fagiolo dell’Arco et S. Carandini, L’effimero barocco. Strutture della festa nella Roma barocca del’600, Rome, 1977, p. 313-314.
En marge des grandes festivités de la Trinité-des-Monts (voir notice précédente), d’autres réjouissances ont lieu à Rome pour fêter la soudaine guérison de Louis XIV après la Grande opération de la fistule de novembre 1686. Le 14 avril 1687, c’est à l’Académie que le roi de France entretient à Rome et sous la direction de Matthieu de La Teulière, que les jeunes artistes pensionnaires célèbrent l’évènement parant pour l’occasion la façade du palais Capranica, alors siège de l’institution royale[1]. Le décor éphémère mis en place sur la piazza Sant’Andrea della Valle n’est plus aujourd’hui connu que par une gravure anonyme[2]. Quelques jours plus tôt, probablement le 11 avril[3], s’était déroulée la fête organisée avec faste au Janicule, à la Villa Benedetta fuori porta San Pancrazio sur lavia Aurelia. Voulue par Elpidio Benedetti, factotum de la couronne de France, elle fut éclatante. L’abbé Benedetti, qui avait contribué au programme des cérémonies de la Trinité-des-Monts, avait participé à de nombreuses célébrations et décors éphémères romains en l’honneur de la France[4], de la pompe funèbre du cardinal Mazarin à Santi Vincenzo e Anastasio en 1661, à celle de la reine Anne d’Autriche à Saint-Louis-des-Français en 1666.
La Villa Benedetta, aujourd’hui largement détruite, avait été élevée à partir de 1663[5] par ledit Benedetti sur un projet architectural de Basilio Bricci et de sa sœur Plautilla, qui participa également à la décoration intérieure, aux côtés de Pierre de Cortone, Francesco Allegrini et Gian Francesco Grimaldi. Fréquemment mentionnée dans les anciens guides de voyageurs, elle était considérée comme un lieu important dans la découverte de la ville de Rome pour la richesse et l’originalité de ses motifs architecturaux. En 1677 la villa fut d’ailleurs publié la Villa Benedetta descritta[6]. Surnommé Il Vascello – le navire – en raison de sa forme particulière, l’édifice, qui en 1849 abritait les troupes de Garibaldi, fut fortement endommagée durant le siège de Rome[7].
La gravure anonyme présente la décoration éphémère mise en place en 1687 sur la façade principale de la villa donnant sur le jardin[8]. La structure complexe, sans doute conçue par Benedetti lui-même, était montée directement sur la paroi de l’édifice et s’élevait sur deux niveaux, rappelant de manière manifeste l’ordonnancement de l’église de Saint-Louis-des-Français. Un cartouche placé au-dessus de l’entrée principale rappelait le nom du commanditaire de la fête et de ses décors : « El Abbas Benedictus Romae a regia Galliae Negotiis salutaria gaudia repetiturus publice apud se ossequienter gratulabatur anno d.ni 1687 ». Le décor se veut opulent et multiplie les symboles de la monarchie française fortement présents. Ainsi de nombreuses fleurs de lys rythment-elles la fastueuse façade, illuminée par des candélabres à neuf bras de lumière. Au centre une peinture équestre de Louis XIV surmontée de la couronne royale est dévoilée par deux figures volantes tandis que sur la corniche supérieure quatre grandes fleurs de lys alternent avec des torches dont les fumées s’élèvent en volutes tourbillonnantes. Surplombant l’ensemble, un imposant soleil rayonnant d’où partent les fusées de la grande girandole et des feux d’artifice retombant en fontaine, crée une grandiose gloire de lumière à l’image de la gloire du Roi-Soleil devenu le roi miraculé.
Les fêtes romaines honorant brillamment la guérison de Louis XIV se déroulent cependant dans un contexte de fortes tensions entre la France et les puissances européennes, au moment où se constitue la Ligue d’Augsbourg. Elles montrent une volonté de Rome et du Saint-Siège d’adopter une position neutre face à la politique menée par Louis XIV, notamment dans sa lutte contre le Calvinisme[9]. À ce titre il est significatif de trouver, dans la relation que rédige le Vénitien Coronelli, le rétablissement de la santé du monarque étroitement associé à l’éradication du protestantisme[10]. Son image de roi Très Chrétien incarnant les vertus d’un catholicisme combatif se trouve ainsi accentuée par son statut de roi miraculé.
[1]Voir W. Oechslin et A. Buschow, Festarchitektur. Der Architekt als Inszenierungskünstler, Stuttgart, G. Hatje, 1984, fig. 115 ; et Fagiolo dell’Arco, 1997, vol. 1, p. 534.
[2]Id., repr. p. 535.
[3]Id.p. 536.
[4]Agent du cardinal Mazarin entre 1645 et 1661, Benedetti avait contribué à assoir la présence française à Rome.
[5]La date est donnée par Carlo Cartari ; Archivio di Stato di Roma, Cartari-Febei, vol. 123, fol. 117 r.
[6]E. Benedetti, Villa Benedetta descritta da Matteo Mayer, etc., Rome, 1677. Une version augmentée parut en 1694 sous le titre Villa Benedetta descritta già da Matteo Maier, ed hora con nuoua aggiunta aumentata da Gio. Pietro Enrico, etc.
[7]Voir E. Beltrame-Quattrocchi et S. Lazzaro Morrica, Disegni dell'Ottocento. Catalogo del Gabinetto Nazionale delle Stampe, Rome 1969, p. 66 et sqq.
[8]Un dessin des Bricci montre la façade dépourvue d’ornement ; voir C. D’Onofrio, 1973, p. 291 ; et M. Fagiolo dell’Arco, 1997, vol. 1, repr. p. 534.
[9]Rappelons que la Révocation de l’Édit de Nantes date de 1685.
[10]Vincenzo Coronelli, Roma festeggiante nel Monte Pincio negli applausi alle Glorie della Pietà del Cristianissimo Ludovico di Francia in occasione della da lui estirpata Eresia mediante l’editto di Fontanablo e della ricuperata sua salute, Venise, 1687. Le texte fut publié en italien et en français par ce franciscain proche du cardinal César d’Estrées, ambassadeur de France à Rome.