BRUXELLES.
D'après un carton d'un artiste flamand du cercle de Bernard van Orley (1488-1521)
JUIN
Avant 1528
Laine et soie
332 x 150 cm
Provenance
:Erard de La Marck, évêque de Liège (avant 1531)
Marie Particelli (décédée en 1670),
Hôtel La Vrillière, Paris, en 1672
Louis Phélypeaux de La Vrillière (décédé en 1681).
Vente Sotheby’s, Londres, 31 octobre 2006, lot 307.
Vente Debureaux, Paris, 21 février 2008, lot 535.
Bibliographie
:K. Brosens, European Tapestries in the Art Institute of Chicago, Chicago 2008, pp.87 et 93, note 19 (citée).
J. Vittet, Les tapisseries de Michel Particelli d’Hémery et de son gendre Louis Phélypeaux de La Vrillière,
in Objets d’Art, Mélanges en l’honneur de Daniel Alcouffe, Dijon 2004, pp.171-179.
E. Hartkamp-Jonxis, H. Smit, European Tapestries in the Rijksmuseum, Amsterdam 2004, pp. 69-71.
S. Schneebalg-Perelman, Richesses du Garde-Meuble parisien de François Ier, in Gazette des Beaux Arts,
Nov. 1971, pp. 263, 279.
C.J. Adelson, European Tapestry in the Minneapolis Institute of Arts, Minneapolis 1994, pp. 78-91.
Guy Delmarcel, Les tapisseries des âges, des mois et des chasses du cardinal Erad de La Marck en 1531, in Joost Vander Auwera, "Liber Amicorum Raphaël de Smedt", 2 Artium HistoriaVander Auwera, Peeters Leuven 2001, pp. 205-212.
Inscrite dans un large rectangle, une grande bande ovale ornée des signes du zodiaque
représentés dans des médaillons. Au sommet, se trouve le Cancer, associé au nom latin
du mois représenté : JUNI. Les signes zodiacaux alternent avec des paires de personnages
féminins drapés personnifiant les heures du jour et tenant dans leurs mains des sabliers.
Le fond de la bande passe progressivement du bleu pâle en haut au bleu foncé parsemé
d’étoiles en bas, indiquant la proportion de jour et de nuit à ce moment de l’année.
La bordure externe de la bande est rythmée à intervalles réguliers de deux séries de nombres
de un à douze indiquant les heures du jour. La bordure interne est compartimentée par des
petites lignes rouges et brunes. La scène de la vie quotidienne représentée ici, est typique
du mois de Juin, dont la principale activité est la tonte des moutons.
Au premier plan, des paysans, coiffés de larges chapeaux de paille, tondent des moutons
tandis que d’autres ramassent du foin qui est ensuite empilé sur un chariot.
A l’arrière plan gauche, on aperçoit des navires dans une baie, devant une ville fortifiée
adossée à des montagnes. Ces bateaux transportent-ils la laine fraîchement recueillie
vers des contrées lointaines, sous la protection de la déesse de la guerre Belone?
Cette divinité était d’ailleurs fêtée le 3 juin. Il est intéressant de remarquer que la laine,
importante pour se vêtir, constitue également le matériau principal des tapisseries.
La première série connue est celle des Mois Trivulzio vers 1503-1509, mais au XVème siècle,
il avait déjà des séries de fresques consacrées aux mois. Les séries de tapisseries
avec des représentations des mois devinrent très populaires au cours du XVIème siècle,
comme par exemple les Mois de Lucas. L’original date du XVIème mais est surtout connu
grâce à des versions plus tardives. La série à laquelle le mois de Juin appartient est connue
sous l’appellation des Mois en médaillons dont l’invention était autrefois attribuée
à Bernard van Orley (1491-1542). En raison de certaines différences stylistiques,
il convient plutôt d’en rendre la paternité à un artiste de son cercle. Par exemple le motif
cordé de la bordure est inspiré de celui entourant la Lamentation d’après un carton de Van Orley.
Les Mois en médaillons présentent également de nombreuses affinités avec d’importantes
séries de tapisseries pratiquement contemporaines, telles que Les douze âges de l’homme
du Metropolitan Museum de New York, Les Mois de Lucas, Les Saisons de Lucas et
La Fondation de Rome du Patrimonio Nacional de Madrid. Trois éditions différentes
des Mois en médaillons nous sont parvenues. De la première édition connue des
Mois en médaillons, et à laquelle le mois de Juin appartient, subsistent six autres
tapisseries : Février et Juillet à l’Art Institute de Chicago, Août et Octobre au
Metropolitan Museum de New York, Avril au Dumbarton Oaks Museum de Washington
et Septembre à Minneapolis. Cette série est caractérisée par des personnifications
des vents placées dans les écoinçons.
La deuxième série représentée par le mois d’Avril du Rijksmuseum d’Amsterdam
est dépourvue de figures aux quatre angles, celles-ci étant remplacées par de simples nuages.
Ceci explique que le mois de Juin lui ait été précédemment attribué. Cependant le récent
nettoyage a permis de mettre en évidence un fragment d’attribut appartenant au personnage
de l’angle supérieur gauche, permettant de replacer Juin dans la première série.
Notre tapisserie semble en tout cas être la seule connue représentant le mois de Juin
faisant de cet exemplaire un document important pour la reconstitution de cette tenture.
Onze tapisseries d’une troisième édition des Mois en médaillons existeraient encore.
Cette série appelée Les Mois Doria présente des médaillons ronds et non ovales,
des chérubins à la place des signes du zodiaque, dont seul celui correspondant
au mois illustré est représenté en haut du médaillon. Cette série provient de la
collection de l’amiral Andrea Doria à Gênes et a été depuis dispersée parmi ses descendants.
Les trois éditions des Mois en médaillons, dépourvues de marques, sont attribuées
à un atelier bruxellois en raison de leur très haute qualité. L’absence de la marque
de Bruxelles indique une fabrication antérieure à 1528, date à laquelle il devint obligatoire
de tisser la marque de la ville dans la bordure de chaque tapisserie qui y était tissée.
Les tapisseries des deux autres séries sont également sans aucune marque.
L’inventaire de Marie Particelli, épouse du secrétaire d’Etat Louis Phélypeaux de La Vrillière,
laisse apparaître en 1672 « une tanture de tapisserye haulte lisse de Paris contenant
vingt pièces faisant cinquante cinq aulnes et demye de cours sur quatre aulnes moins
demy tiers de hault […] représentans les douze mois de l’année dans des tableaux
en rond au melieu de quinze desd. Pièces, autour desquels tableaux sont les signes
des zodiacques, avec leurs bordures à fleurs et fruictz par festons, le fond desdictes
bordures aurore » estimée la très forte somme de 20 000 livres. La mention de tissage
parisien est très probablement due à l’absence de marques et à l’incapacité des experts
d’alors à en déterminer correctement l’origine.
Cette série est également citée par Germain Brice dans sa Description nouvelle de ce
qu’il y a de plus remarquable dans la ville de Paris (1684) lors de sa visite de l’hôtel
de La Vrillière : « une tenture de tapisserie, qui représente les douze Mois de l’Année,
d’un dessein très singulier ».
Des inventaires inédits du garde meuble parisien de François Ier publiés par Sophie
Schneebalg-Perelman dans la Gazette des Beaux Arts (1971), font état de
« Douze mois de l’An », douze pièces en soie et laine sans aucune description
qui pourraient être identifiés avec les « Douze moys de l’an, les douze signes,
les vents et l’arbre de discorde » dont sept pièces furent acquises dès 1514
chez Michel de Samyn par François d’Angoulême, futur François Ier. La chercheuse
considère ces tentures des mois avec signes du zodiaque comme des précurseurs
de la série des Mois en Médaillons. L’avenir permettra peut-être de vérifier cette
hypothèse plus que séduisante.